mercredi 16 avril 2025

Chapitre 7 Maxime (José 2024)

 - Qu’y a-t-il, Maxence ? demande Juliette anxieuse. Où est Maxime ? J’étais à Libin et, à peine arrivée, j’ai entendu qu’il s’était passé quelque chose, qu’une ambulance et la police sont venues ce matin. Mais vous êtes tout pâle et vous tremblez.

Pendant un moment Maxence reste muet, sidéré. Se reprenant, il répond :

- J’avais prévenu Maxime que j’arriverais plus tard ce matin. À onze heures, j’étais ici. La boutique était toujours fermée mais il y avait de la lumière. J’ai ouvert avec mes clés. J’ai appelé sans obtenir de réponse. Dans le fonds du magasin, j’ai trouvé Maxime allongé sur le sol avec ,autour de lui, des livres qu’il a dû laisser tomber. Il ne me répondait pas. Un peu de sang lui avait coulé du nez. J’ai voulu prendre son pouls. C’était trop tard ! Il était encore tiède. J’ai appelé les urgences .

- On l’a agressé ?

- Non, la police a constaté qu’il n’y avait pas de traces d’effraction. Rien n’a été volé. Le fonds de caisse est toujours là. Les policiers ont juste remarqué que le vieux miroir était en mille morceaux, mais tous encore en place. Pas d’impact. À croire qu’il s’est brisé tout seul, comme s’il avait implosé.

- Où est Maxime ?

- Les ambulanciers sont partis avec le corps. Je pense qu’il y aura une autopsie.

- Oh, mon Dieu ! Maxime !

- Je ne sais plus ce que je dois faire. Je suis perdu.

- Pourquoi n’arrêtez-vous pas de prendre et de reposer ces livres ?

- Ce sont ceux qui étaient près de lui. Regardez ! Vous croyez que c’est un hasard ?

Juliette examine leur couverture : La bibliothèque des cœurs cabossés de Katarina Bivald, Le bouquiniste Mendel de Stefan Zweig et La petite boutique des gens heureux de Veronica Henry.


Trois semaines plus tard, à vingt-cinq kilomètres de là, dans l’étude du notaire de Libramont-Chevigny, Juliette et Maxence sont assis face à une jeune femme élégante et professionnelle. Cette dernière leur dit :

- Nous sommes réunis pour prendre connaissance du testament que Monsieur Maxime Dutertre nous a confié. N’ayant plus de famille, il vous a institués ses légataires. Voyons d’abord ce qui concerne Monsieur Maxence Vergucht. Voici ce que Monsieur Dutertre a voulu que je lise :

« Maxence, ton arrivée a été le soulagement que j’attendais depuis si longtemps. Tu as acheté mon magasin et tous mes chers livres. Tu les aimes autant que moi, aussi suis-je assuré que tout cela est entre de bonnes mains. Comme tu es suffisamment riche, ce commerce sera pour toi source de plaisir. Je me savais condamné avec peu de temps à vivre et, grâce à toi, je suis parti en paix.

Je ne peux t’offrir que ce qui, à mes yeux, était le plus précieux et que je gardais près de moi, trois éditions originales. Pour certains bibliophiles, ils ont une grande valeur mais cette race de collectionneurs et d’érudits devient rare de nos jours. Enfin qu’importe leur valeur ! Garde-les et j’espère que tu prendras plaisir à les lire et à les admirer. »

La jeune femme remet alors à Maxence trois ouvrages emballés de papier de soie. Il les déballe délicatement. Ce sont des premiers tirages, numérotés, sur papier Japon, et signés par l’auteur : Avant le grand silence de Maurice Maeterlinck, Bruges-la-Morte de Georges Rodenbach et La fin des bourgeois de Camille Lemonnier.

- Quant à vous, Mademoiselle Juliette Loiseau, voici ce qui vous concerne :

« Ma Juliette, je te fais légataire de tous mes avoirs : le montant de la boutique et ce que j’ai pu économiser au fil du temps. L’état va en prendre la majeure partie mais le reste devrait te mettre à l’abri pendant quelques années. J’espère que ta boutique marchera toujours aussi bien mais, si tu devais traverser une période un peu difficile, te voilà rassurée.

Il y a des choses que je n’ai jamais su te dire. Aussi voici pour toi quelques disques que je te réservais depuis longtemps. »

La notairesse remet à Juliette deux trente-trois tours : l’album de Georges Moustaki, Le Métèque. Et celui de Serge Reggiani, Et puis. Sur sa pochette un post-it est collé. « Ce que je n’ai jamais osé te dire se trouve dans les paroles de la dernière plage, Il suffirait de presque rien. Tu as été le soleil de mes dernières années. Continue de briller, ma douce. »


Lorsque vous viendrez à Redu, passez à la bouquinerie « Les Lignes du temps ». Vous pourrez constater que peu de choses y ont changé. Vous retrouverez l’ambiance qui en fait tout le charme. À la place du miroir à parcloses est accrochée la photo de Maxime qui vous regarde droit dans les yeux, la tête posée sur les poings, devant ses livres, un petit sourire complice aux lèvres.

Chaque vie est un roman (José 2024-2025)

  Chaque vie est un roman .   Introduction Lorsque vous poussez la porte des « Lignes du temps », vous entrez dans mon domaine, mon a...