Introduction
Lorsque vous poussez la porte
des « Lignes du temps », vous entrez dans mon domaine, mon antre. Ce
qui vous frappe de prime abord est un savant mélange de livres et d’objets un
peu hétéroclites. Vous pourrez trouver que l’endroit est un peu encombré, un
peu en désordre. Mais je vous rassure, je m’y retrouve très bien. Et puis
avouez : vous vous sentez bien ici. C’est chaleureux, cosy comme on dit
maintenant. Si vous allez au fond de la boutique, vous trouverez deux bergères
bien douillettes derrière une petite table ronde. Installez-vous y pour lire
quelques pages d’un livre qui a retenu votre attention. Si vous vous montrez
sympathiques, vous aurez même droit à une tasse de thé. Et si celui-ci vous plaît, vous pourrez aller
chez Juliette, une jeune amie trentenaire, qui tient le tea-room un peu plus loin, le « Goût
de la madeleine », et qui vous en vendra. Elle a aussi un bel assortiment
de papiers à lettre, de cartes et de carnets.
Tiens, la voici justement. Attendez-vous à une entrée théâtrale ! Et voilà ! La porte claque à toute volée. Qu'est-ce que je vous disais ?
« - Bonjour, ma belle ! Toujours aussi rayonnante !
- Bonjour, mon lapin ! Tu sais que tu ressembles de plus en plus à Maxime Le Forestier depuis que tu t'es laissé pousser les cheveux !
- Merci
pour le compliment. Est-ce mon prénom qui t’a suggéré la comparaison ? On
m’a déjà dit que je ressemble à Moustaki. Cela ne me dérange pas d’avoir une
gueule de métèque. Je suis nature. Tu le sais bien et je dis toujours ce que je
pense. Aussi je te dis qu’aujourd’hui tu es particulièrement superbe. Serais-tu
amoureuse, ma belle ? »
Pour toute réponse, je n’ai droit qu'à un petit rire et à une question :
« - Alors où as-tu trouvé une place pour ton dernier coup de cœur, ce miroir qui t’a tant plu à la Brocante du Vieux
Chêne ? Avec tout ce qui s’entasse dans ta boutique, tu as dû avoir du mal
à le caser.
- Oh pas tant que ça. Je lui
ai trouvé tout de suite une place de choix, dans le passage menant au petit
salon. D’une part il reflète un peu les suspensions et apporte de la lumière
dans cet endroit plus sombre et puis il me permet de voir ce qui se passe dans
le fond de la boutique depuis mon desk, comme tu dis.
- Ah oui ! Tu as bien
choisi son emplacement. L’endroit était trop étroit pour mettre un rayonnage
sur ce mur. C’est vrai qu’il est beau avec ses parcloses, du pur style
Napoléon III !
Bon, je file. Il faut que je
retourne à ma boutique. Je suis venue te rapporter le bouquin que tu m’as
prêté. Je l’ai dévoré. Tu es un conseiller parfait. Voici aussi le carnet que
tu m’as commandé et des cartes de visite pour déposer sur ton comptoir. »
Après une bise affectueuse,
Juliette s’éclipse et c’est soudain comme si un nuage passait devant le soleil.
Je vous disais donc qu’ici
vous ne trouverez que de la bonne littérature. Il y a trop de livres publiés de
nos jours. Il est impossible de tout lire. Et comme chez moi la place est
limitée, j’ai décidé dès le départ de ne présenter que des ouvrages qui en
valent la peine. Je pourrai vous conseiller si vous le souhaitez.
Si ce sont les succès et prix littéraires que vous recherchez, vous risquez de ne pas les trouver. Si vous y tenez, je peux bien sûr vous les commander.
Mais il y a tous ces
auteurs oubliés aujourd’hui et qui méritent d’être lus. J’ai donc consacré un
espace à ces titres épuisés, principalement des
auteurs de la fin du dix-neuvième siècle et de début du vingtième.
Et il n’y a pas que des
romans, j’ai aussi de la poésie, des ouvrages de philosophie, de sciences
humaines, des ouvrages sur les religions et l’ésotérisme.
Prenez votre temps.
Je pense alors que mon miroir
est vraiment beau, qu’il me permet d’observer discrètement mes clients mais que
je n’aime pas trop y voir mon reflet. C’est moi, ça ! ce presque vieil
homme. Où est passé le jeune gars qui croyait encore à tous les possibles, à
l’amour ? J’ai quelques amis et pas mal de connaissances mais les seuls
qui ne m’ont jamais déçu ce sont les livres. Ils sont toute ma vie.
Bonjour José,
RépondreSupprimerRavi de retrouver ta verve et ton talent !
Voilà le portrait d'un ermite passionné et intrigant, célibataire par dépit ou par choix ?
En contraste, une jeune et jolie voisine qui apporte fraîcheur et bonne humeur.
Le décor (Redu, mon village préféré) et la librairie sont si bien croqués qu'on en sent presque la poussière des rayonnages et l'odeur des livres...
Tu nous présente une accroche qui ne révèle rien de ce qui va arriver, une réussite !
Crainte : la Promenade Poétique (et touristique) est supprimée...
Rêve : amélioration des transports en commun pour accéder au village...
Vivement à te lire !
Bien à toi,
Jan.
Bonjour José,
RépondreSupprimerOn a bien envie d'accepter l'invitation de Maxime à boire un thé dans son petit salon et se laisser accrocher par un livre. Même s'il se rend au desk, le lien reste par l'intermédiaire du miroir. Si Maxime peut voir ses clients, ceux-ci peuvent probablement le voir.
Crainte : que la vieillesse ne le rattrape trop vite et l'oblige à abandonner "Les lignes du temps".
Rêve : que le temps se fige pour vivre plus longtemps les bons moments et retenir un soleil nommé Juliette.
Bien à toi,
Gisèle
Bonjour José,
RépondreSupprimerRavie de retrouver ton style et tes textes. Et en fait de rêve, c'est moi qui le fais: flâner dans cette boutique aux mille promesses de découvertes.
Ton Maxime attire la sympathie. Tu nous le brosses en quelques traits efficaces. Son rêve: dénicher quelques inédits d'auteurs qu'il aime. Sa crainte: que l'i-phone ne détrône définitivement le livre.
Bon amusement pour la suite.
Amicalement.
Andrée
Bonjour José,
RépondreSupprimerQuel plaisir de retrouver l'élégance de la tournure de ton texte et la précision de ton vocabulaire.
Il ressort de ce texte beaucoup de chaleur et de sympathie à l'image de ton personnage qui ne manque pas de caractère...
Joli contraste que Juliette, amie toute en fraîcheur et jeunesse !
Crainte : les bestioles qui dévorent les vieux papiers...
Rêve : trouver un jeune qui pourrait prendre sa succession...
Je suis curieux de savoir ce que tu réserves à tes personnages.
Bien à toi,
Michel.
Bonjour José,
RépondreSupprimerEn relisant une nouvelle fois ton texte pour le plaisir , je suis frappé par le mot "desk". J'avais buté dessus lors de la première lecture. Au vu de ton personnage et du fouillis de sa boutique, le mot ce semble beaucoup trop moderne ou "djeune"... Ne serait-ce pas plutôt un vieux bureau ou un comptoir, ou encore une table encombrée de livres et d'une vieille machine à calculer ?
Excuse-moi pour cette remarque sans doute indue.
Bien à toi,
Jan.
Bonjour, José...
RépondreSupprimerAh oui, j'ai envie de le rencontrer, celui-là! Je prendrais mon tout mon temps pour le découvrir, pour discuter, et papoter avec lui de tout et de rien. J'aurais des livres à lui faire découvrir, moi aussi!
Grand bonheur pour lui : il pense avoir mis la main sur un petit recueil de poésie d'un oncle; un ouvrage qu'il recherche depuis longtemps!
Par contre : Que deviendront toutes ses perles de lecture lorsqu'il ne sera plus là pour les chérir!
Toujours aussi heureuse de retrouver ton écriture riche et directe, José!
Belle imagination, également!
Cordialement,
Micheline.
Bonjour José,
RépondreSupprimerUn prologue qui présente le personnage principal et son amie de manière très vivante du fait que tu choisis de faire parler Maxime qui s’adresse au lecteur assimilé à un client de la librairie. Le monologue du libraire est habilement coupé par le dialogue entre Maxime et Juliette.
Un détail important.
« …il me permet de voir ce qui se passe dans le fond de la boutique depuis mon desk.
Je suis d‘accord avec Jan sur l’emploi du mot « desk ». Je sais qu’il est tout à fait possible qu’un homme comme Maxime cède cependant à la mode de temps à autre, mais une anomalie possible dans la vie réelle doit être justifié dans un texte littéraire, même s’il se veut un reflet du réel. LE REEL LITTERAIRE EST UNE CONVENTION, il a une cohérence nécessaire et, si on en sort, il faut le justifier. Juliette étant plus jeune et sans doute plus branchée il suffirait que tu écrives :
« …il me permet de voir ce qui se passe dans le fond de la boutique depuis mon desk, comme tu dis ».
Et ce seul détail suffirait à la fois à assurer la cohérence et soulignerait en outre la différence de générations et la complicité entre les deux personnages.
Un autre souci : tu choisis de faire parler le personnage qui est sur place, tu ne peux donc pas soudain introduire le regard extérieur de l’auteur.
« Tiens, la voici justement.
La porte s’ouvre, la jeune femme dans la trentaine, rayonnante de dynamisme, fait une entrée un peu théâtrale, je dois dire.
- Bonjour, mon lapin ! dit-elle avec de grands gestes en m’enlaçant. Tu sais que tu ressembles de plus en plus à Maxime Le Forestier depuis que tu as laissé pousser les cheveux !
- Bonjour, Juliette ! Merci pour le compliment… »
Dans l’option qui est la tienne, Maxime s’adresse à une personne qui voit la scène, il n’a donc pas à la décrire, en tous cas pas de cette manière. Tu pourrais éventuellement penser à quelque chose genre :
« Tiens, la voici justement. Attendez-vous à une entrée théâtrale ! Et voilà ! La porte claque à toute volée. Qu’est-ce que je vous disais ?
- Bonjour ma belle ! Toujours aussi rayonnante !
- Bonjour, mon lapin ! Tu sais que tu ressembles de plus en plus à Maxime Le Forestier depuis que tu as laissé pousser les cheveux !
- Merci pour le compliment… »
Pour ce qui est de l’âge, tu pourrais l’insérer plus haut genre
« … chez Juliette, une jeune amie trentenaire… »
Dans ton premier chapitre de – 700 MOTS MAXIMUM ! – sous le signe du noir, Maxime doit affronter un problème professionnel.
Bon travail.
Liliane