- Eh bien, mon cher Maxime, l’association des commerçants a bien entendu vos suggestions. Nous vous en remercions mais la commune doit, hélas, remettre « Redu en fête » à une année ultérieure. Notre nouveau bourgmestre et son collège ont d’autres priorités.
- Pourtant je croyais que le
MR était favorable aux projets des indépendants. Ce sont les petits commerçants
qui font vivre la cité et y attirent du monde.
- Certes, vous avez raison.
Mais vous connaissez l’état des finances communales. Le budget doit être revu.
Et je suis au regret de vous dire que la culture n’est pas la priorité. Outre l’assainissement
des finances, l’axe principal consiste à rendre nos routes plus sûres et cela
passe par la réfection des voiries.
- Ne croyez-vous pas qu’il
serait plus judicieux de penser aux transports en commun ? Il n’y a plus
de gare à moins de vingt-cinq kilomètres et la ligne de bus 61 n’est pas très performante.
- Mais oui, justement, les bus
circulent aussi sur la voirie communale. Et comme le disait un vieux slogan :
« la voiture, c’est la liberté ». Vous devez savoir que nous avons
des projets de parkings équipés de bornes de rechargement pour les voitures électriques.
- Moi, je ne vois qu’une chose :
alors que le beau temps est enfin revenu, nous allons rater une occasion de
relancer nos commerces.
- Mais c’est aussi notre
souci. Et nous soutenons toutes les initiatives individuelles qui vont dans ce
sens. Soyez inventif. Prenez votre avenir en main.
- C’est bien ce que j’essaie
de faire. J’ai en projet la création d’un site offrant d’une part des
conférences-ateliers et aussi des ateliers d’écriture. Les premières moutures ne
me satisfaisaient pas entièrement mais le concepteur du site l’a presque
terminé.
- Et bien voilà, mon cher
Maxime, tout va bien pour vous. Je m’en réjouis. Excusez-moi mais je dois vous
quitter. Je suis déjà en retard.
- Allô, Juliette. Tu ne
devineras jamais qui vient de passer pour me parler… l’échevin du tourisme.
- Ils vont faire une grande
animation ?
- Crois-tu ! Ils ont mis
le projet aux oubliettes. C’est priorité aux finances en prenant en compte l’urgence
des dépenses. Tu penses bien ce n’est pas le cas de la culture.
- Oh zut !
- Oui, c’est chacun pour soi.
Si on veut des animations, c’est à nous de les financer. N’importe quoi !
- Au fait, comment vas-tu, mon
lapin ?
- Aussi bien que l’on
peut aller à mon âge.
- Arrête de parler toujours
de ton âge ! Tu es une des personnes les plus dynamiques que je connaisse. Et,
si tu le voulais, tu pourrais toujours séduire.
- Pourquoi, tu poserais ta candidature ?
Non, je plaisante. Et je t’avouerai que, tout récemment, j’ai eu une vieille
opportunité qui s’est représentée, mais non merci ! Je me suis habitué à
ma vie de solitaire. Quelques bons amis me suffisent. Tiens, tu vas me croire
un peu cinglé mais, quand l’échevin est passé devant le vieux miroir, j’y ai vu,
à la pace du visage, le masque de l’orgueil, de la froideur et du mépris. Mais
lui ne s’est rendu compte de rien et a juste redressé son nœud de cravate.
- Et ce miroir se brouille encore
souvent ?
- De temps en temps. On dirait
que de la buée ou de la poussière le recouvre, alors qu’il n’y a rien. Je ne
comprends pas.