Introduction :
Où est la prison ?
Je tourne la clé dans la serrure de la porte
d’entrée. Il fait gris et froid ce matin. La voisine m’interpelle :
« - Bonjour,
monsieur Prévost ! Vous allez bien ?
- Oui merci, madame
Lerat, et vous-même ?
- Oh ça va ! Vous
savez avec l’âge quand ça va à moitié, c’est que ça va. Vous remettrez mon
bonjour à votre maman. Elle remonte la pente après le décès de votre
papa ?
- Ça dépend des jours. Leur maison lui semble
bien vide. Bonne journée, madame Lerat. Je me dépêche sinon j’arriverai en
retard au commissariat. »
Pour moi aussi ma maison paraît bien vide
depuis que Gisèle est partie et que mes deux garçons ont quitté le nid. Je ne
les vois plus guère. Je sais qu’ils sont tous deux absorbés par leurs études,
mais quand même un petit coup de fil de temps en temps serait un minimum.
Jetant un regard sur la fenêtre, je me dis
qu’il serait temps de laver les vitres et aussi les voilages. Je ne suis pas
trop homme d’intérieur, c’est vrai, mais il faudrait quand même que je prenne
un peu mieux soin de la maison dans laquelle j’ai grandi. Je me doute de ce que
maman dirait si elle voyait ça. Il faut vraiment que je m’y mette et que je
défriche aussi un peu le jardin.
« -Bonjour
Louis !Un paquet de Marlboro, s’il te plaît.
- Comme d’habitude,
répond le marchand de journaux. Alors, ça chauffe ces derniers temps !
Vous devez avoir pas mal de travail avec tous ces dealers.
- On est sur les dents
et on fait ce qu’on peut. Mais nous, on n’est pas la brigade des stups. On
essaie juste d’assurer la sécurité des citoyens et ce n’est pas facile.
- Bon courage !
- Merci, Louis. Bonne journée. »
J’arrive au commissariat du parvis de
Saint-Gilles, au bureau. Toujours cette même odeur de renfermé, de vieux
papiers, avec un fond d’humidité et des relents de transpiration, sans oublier
l’odeur du produit industriel pour nettoyer les sols. La lumière est glauque,
un peu blafarde, et la couleur des murs défraîchis n’arrange pas la situation.
« -Salut, Franky !
me lance l’agent de police de faction à l’accueil.
- Bonjour,
Charles ! C’est calme ?
- Ici, à l’accueil, assez., mais le commissaire
est remonté. Il a convoqué tous les inspecteurs pour neuf heures. Dépêche-toi.
Il n’aime pas les retardataires. »
Je lui fais un clin d’œil complice et me hâte
vers mon bureau. Je n’ai pas le temps de prendre un café, juste celui
d’accrocher mon manteau.
« - Messieurs, il
y a encore eu des coups de feu cette nuit, sur cette place et dans la rue
Vanderschrick. On a relevé des traces de sang mais personne n’a pu être
interpelé.
Miller, avec votre
équipe, vous allez appeler tous les hôpitaux pour savoir si un Individu a été
soigné pour blessure par balle.
Deschamps vous êtes
chargé d’interroger le voisinage.
Et vous Prévost vous
visionnerez toutes les caméras de surveillance susceptibles d’avoir filmé les
incidents.
Je veux vos rapports avant dix-sept heures.
Allez, messieurs ! »
Voilà une journée qui s’annonce rude. Visionner
des heures d’enregistrements, après les avoir obtenus des commerçants du coin
et de nos services, c’est un vrai plaisir ! Putain de métier.
Miller, le représentant syndical de la SLFP qui
ne cache pas sa sympathie pour le droite musclée, à peine sorti du bureau du
patron, lance : « Qu’ils s’entretuent, ces racailles ! Ce sera
bien pour tout le monde. »
Il faut dire que, parmi les collègues, on a un
beau ramassis d’humanité : des misogynes, des désabusés qui n’attendent
qu’une chose, l’heure de la retraite, des petits fachos, de parfaits beaufs.
Fort heureusement il y aussi quelques jeunes recrues avec encore de l’idéal,
mais ça leur passera vite.
Et moi, qu’est-ce que je fous là ? Je suis
fatigué mais il faut bien que certains aillent au charbon, en essayant de faire
du mieux qu’ils peuvent. Sinon ce serait la chienlit.
Allez, au boulot !